Chouette ! Mes inquisiteurs préférés ont enfin commencé à dresser le bûcher
Plus sérieusement, merci, d'une part, de me répondre, et d'autre part, de poster des critiques pertinentes comme celles-ci. Je tâche d'y répondre.
Le premier reproche qui ressort est celui de m'adresser à un lecteur disposant d'une culture "académique", ce qui limite effectivement l'accessibilité de mon texte.
En soi, le reproche est pertinent ; par exemple, quand je dis "la durée comme la décrit Bergson", mon propos ne peut être pleinement saisi que par un lecteur de Bergson. Il s'agit sans doute d'un aspect de mon écriture que je dois améliorer.
En revanche, je récuse l'accusation de pédantisme. Je ne cite pas ces auteurs pour le plaisir d'étaler ma culture, ni pour user d'arguments d'autorité ou pour restreindre l'accès de mon texte à une pseudo-élite. Voici les raisons qui me poussent en fait à utiliser des références :
-tout d'abord, je tâche, dans ce texte, d'expliquer à la fois ma pensée et sa genèse. Or, ayant lu, certaines de mes idées ont été bâties à partir des matériaux que m'ont fournis des auteurs. Il me parait donc logique que je les cite dans mon texte (même si je devrais plus les expliciter).
-cela est lié, de manière plus globale, a une conception des relations entre culture et pensée. La phrase d'Aragathis "les citations sont bonnes pour les dissertations de terminale, pas pour la pensée", me semble tout à fait fausse. Dans mon paragraphe sur Thot, je dis justement que le mérite de la culture est de donner à l'humanité entière une temporalité poétique et non linéaire, puisque chaque génération résonne, raisonne et rime avec les suivantes et les précédentes. La vérité, c'est que nous pensons avec nos prédécesseurs (ce qui n'empêche pas le progrès) ; la citation permet juste d'expliciter cette assonance philosophique entre nous et les autres générations.
-il y a également un souci d'honnêteté intellectuelle. Quand j'utilise un concept qui n'est pas de moi, mais d'un autre auteur, si je le fais sans préciser son origine, je sous-entendrai implicitement que j'en suis le créateur. J'estime sont que c'est le minimum de la politesse que de citer le créateur des idées qui ne sont pas les miennes.
Quant à l'accusation de citer "à tout bout de champ tout et n'importe quoi", elle me semble tout à fait infondée (et elle ne s'appuie d'ailleurs sur aucun exemple). J'ai très sincèrement l'impression que mes citations sont toujours en lien avec ce que je dis, et participent à l'élaboration de ma pensée. Si des citations précises te semblent inutiles, pointent les explicitement, que je vois de quoi tu parles.
Enfin, mon usage des citations n'est pas pédant en ceci qu'il n'est pas normatif ; je n'exige absolument pas qu'autrui ait les mêmes références que moi (chaque homme a sa culture personnelle) ni même qu'il ait des références. Je n'ai jamais affirmé qu'on ne pouvait parler de l'homme sans Hugo. En revanche, j'affirme qu'on peut parler de l'homme avec Hugo, et le refus systématique de la citation est en fait tout aussi pédant que le normativité de la citation ; le pédantisme de l'inculture et de l'anti-conformisme n'est pas plus modeste que le pédantisme de la culture et du conformisme.
Par ailleurs, j'explicite tout de même le minimum nécessaire à la compréhension du texte ; par exemple, concernant la durée de Bergson, je ne recopie pas tout ce que Bergson a écrit à ce sujet, mais j'en dis l'essentiel avec mes propres mots.
Si le reproche concernant les citations me semble tout à fait pertinent, je suis moins convaincu par celui du Capitaine concernant le fait "d'exposer une thèse comme elle te vient à l'esprit"
- d'abord, les idées que j'écris sont des idées anciennes, je ne les invente pas au fur et à mesure. Ce que j'essaye de rendre spontané, ce sont les liaisons qui les relient les unes aux autres : j'aborde différents thèmes dans mon texte, et chacun des paragraphes est le fruit d'un vrai travail de mise en forme, mais ce qui est spontané, c'est l'ordre des paragraphes, la structure globale du texte, le fait de parler de tel thème en premier et non d'un autre
-ensuite, ma conception même de la pensée philosophique pose le problème de la relation entre philosophie et écriture (je ne sais pas si tu as lu ce passage, c'est lorsque je compare Apollon et Thot). Pour moi, la philosophie a une temporalité poétique, et non prosaïque. Le seul moyen de bien retranscrire de la philosophie à l'écrit est donc d'être poète (ce que je ne suis pas). Je revendique donc en fait l'imperfection de la structure de mon texte, et je compare tout texte de philosophie à un cadavre de philosophie. Tu trouves peut-être que c'est facile, et je comprends, mais je t'assures que ce refus de l'adéquation entre écriture et philosophie découle d'une conviction sincère et non d'une fainéantise d'auteur.
En revanche, il est certain que même si la structure d'un texte philosophique m'apparait comme fatalement imparfaite, elle peut être améliorée ; et tu as raison de dire que la forme de mon texte actuel doit être retravaillée (elle a d'ailleurs déjà été retravaillée, d'où le "version du 2 juin" accolé en sous-titre).
Enfin, en ce qui concerne les analogies.
L'analogie n'a pas vocation à la démonstration, mais à la description. Et en cela, Aragathis, ta critique ne me semble pertinent que face à un usage démagogique de l'analogie, celui de la faire passer pour une démonstration (un truc du genre "se type se bat comme un lion, il a donc une crinière").
L'usage de l'analogie comme simple description me parait honnête, et correspondre à une réalité de la pensée humaine.
Le problème, Ara, est qu'encore une fois, tu lance "tes analogies sont loin d'être irréprochables", sans dire de quelles analogies du parle ni même quels sont précisément les reproches que tu leur fais.
Sur ce, merci beaucoup de ces retours, et en attente d'autres flammages/critiques/fusillades
